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Le corps, la différence sexuelle, la mort, l'affection sont des reflets comme les jonquilles et les carpes, comme le mot brahman, comme les cercles carrés. Comme les sexes différents s'emboîtent soudain en frisonnant, comme les éléments des choses s'assemblent, les âmes se transportent. Elles transmigrent des mères aux filles, des vers blancs ou chenilles aux papillons et hannetons, des chanteuses aux tambours, des assasins aux luths et aux violes. C'est un ruissellement. C'est ce qui permet d'interpréter l'ininterprétable.
C'est le mot de Toukârâm : J'ai souffert des maux effrayants. J'ignore ce que me réserve encore mon passé.
Plotin disait que les réincarnations successives sont comme un homme qui dort dns des lits différents.
Tous les rêves, paroles, actes, intentions tissent le corps à venir.
Le mot sanskrit karma signifie cette tissure, qui est cette oeuvre des actes sans acception de leur sens.

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Les actes brûlent. Les sexes brûlent. Tout est en feu, tout est désir. Tout est soif de l'ersatz et de la mort qui en lui attire. Tout est servilité et sommeil. La conscience des hommes peut être comparée à la flamme d'une lampe allumée dans la nuit. Cette flamme peut être mouchetée.
Le mot sanskrit nirvana désigne ces mouvements à deux branches qui servent à éteindre la mèche ou à l'empêcher de fumer.
C'est le rêve qui sait que personne ne le rêve.
Entre les images et le néant il y a un précipice. Il n'y a qu'une passerelle qui permet de le franchir. Le chevalier silencieux Lancelot s'avance sur le pont de l'épée. Elle est si périlleuse que peu s'y risquent et personne ne peut dire si quiconque l'a jamais franchie (puisque aucun rêveur n'est derrière ce rêve, c'est-à-dire puisque aucun dieu ne garde la passerelle branlante au-dessus de l'abîme).
Il dénude ses mains et la saisit toute  nue.
C'est l'art.

Pascal Quignard, Les Ombres errantes, Gallimard.

SRY