Se faire prendre pour un con
C’est bizarre cette semaine qui vient de s’écouler. De bout en bout l’impression de se faire prendre pour un con sur toute la ligne. Depuis le mois de février, on sentait bien qu’il fallait serrer les dents et que le mois de mars confirmerait son statut de mois des fous. En février le une nouvelle lutte contre la précarité s’engageait. Petit à petit, dans l’appréhension, les forces se mobilisaient.
« c'est ma bouche qui est sèche
oui c'est ça qui m'empêche
de te dire comment et pourquoi
comment et pourquoi :
sous le soleil de février
je ne vois rien venir
mais l'essentiel
c'est le soleil .... »
Nous cherchions les aides auprès de chacun, et les plus proches étaient sollicités. Comme souvent dans ces moments de mobilisation, les défections ne furent pas rares et celles qui firent le plus mal furent celles sur lesquelles nous comptions. On s’était dit que notre motivation puiserait chez ces personnes l’énergie pour accomplir l’effort nécessaire, un effort que sans elles nous n’aurions même pas tenté d’imaginer. Mais c’est dans ce genre de situation que l’on découvre qui se défausse et qui répond à l’appel.
« dans la tourmente
j'avais tellement besoin de toi
mais t'es pas venu une seule fois
alors comment
comment se prendre au jeu
quand on n'est pas pris au sérieux ?
c'est moi qu'on abandonne
qu'on laisse sur le pavé
seule avec ma couronne
sur le pavé »
Le gouvernement casse sans regret le pays, il s’empare des richesses et les redistribue à ces amis. Gouvernement de voleurs, aux basses manœuvres, aux viles manières. Ils envoient les matraques et se planquent derrière les boucliers en plexiglas. Les barricades de pavé ne sont pas encore élevées mais les mêmes adversaires fuient l’affrontement, les mêmes qui parlaient de courage. Ils savent qu’ils n’auront pas à affronter directement la colère. Car ils confondent courage et orgueil. L’orgueil est une posture, celle qu’adoptent les lâches en espérant intimider assez leurs interlocuteurs pour que ces derniers n’aient pas à découvrir la faiblesse des premiers. Le courage contient intrinsèquement les idées de justice et d’intelligence ; le courage se rapproche bien plus de l’honnêteté que de la force. Le lâche utilise facilement la force, il croit en la violence, il esquive, il fuit, il frappe pour retarder l’échéance, il insulte. Le plus lâche des lâches se pose en victime. Il peut mordre parce qu’on l’a mordu, il peut blesser parce qu’il a été blessé. Mais dans sa vilenie il oublie que rien ne l’oblige à obéir à un destin qu’il croit tout tracé. C’est aussi cette croyance en une destinée qui fait donner au lâche des cours de morale, des leçons de vie. Il se sert de tout et de tous, puis il jette. Il avance tel un ciel gris, il ravage.
« quand l’orage est passé
lambeaux de cerisiers
blanches orties
blancs pommiers
de nos amours rêvés
quand l’orage est passé
la nature nous tient dans un nouveau désir d’aimer
quand l’orage est passé…
la nature nous tient par 10 000 nouvelles beautés »
Tout finit bien par repousser. L’espérance fait renaître la vie, elle porte même la miséricorde parce qu’elle sait, malgré tous les doutes qui l’assaille, que la colère n’est efficace que si elle se transforme en énergie créatrice. La destruction est une force de droite et pour vivre dans la cité, il faut savoir inventer. Ce gouvernement de bras cassés disloque les idéaux, il disperse les individus à grands coups de gaz lacrymogènes, il confond main tendue et bras tendu. Pourtant :
« quelque chose en moi
ne pourra jamais
se résoudre à croire
qu'on était si peu fait
l'un pour l'autre
pourtant là il le faudra bien
quelque chose en moi
qui me poussait
à rester devant ta porte
sans pouvoir me glisser
dans ce monde
que je trouve si beau à présent
(…)
c'est pas vraiment toi
que je regrette
juste ce drôle d'état
dans lequel tu me plongeais
les jours de grâce
jusqu'aux lueurs du matin »
Une nouvelle semaine s’ouvre. Une semaine de lutte, avec ses chants, ses cris, ses rires. Une semaine où nous allons certainement pleurer encore un peu. Nous ne jouons pas la gagne. Nous pouvons perdre. Mais nous jouons l’avenir. Nous parions sur un futur que nous ne connaissons pas et qui sera toujours meilleur que notre présent.
« il y a des mondes et je regrette
de n'en connaître aucun
qui soit un peu plus éloigné du tien
que j'aimais bien
si je savais comment renaître
je partirai demain »
St-J.
Toutes les citations sont issues de l'album Chevrotine d'Holden (respectivement: l'essentiel, sur le pavé, l'orage,quelque chose en moi, dès demain)